samedi 24 février 2024

Macron au Salon de l'agriculture

Après la suite d’exploits qu’’Emmanuel Macron a accomplis aujourd'hui, au Salon de l’agriculture, je crois que nous pouvons sérieusement envisager la canonisation et/ou la panthéonisation. Dommage que Victor Hugo n'était plus là pour le raconter dans La Légende des siècles. Bravo et merci, monsieur!

vendredi 23 février 2024

L’autorité de l’état

La FNSEA a fait ce qu’il fallait pour qu’Emmanuel Macron renonce au débat qu’il avait prévu d’organiser au Salon de l’agriculture. On en a assez de tous ces gens qui, sous des prétextes variés et contradictoires, sapent l’autorité d’un chef d’état démocratiquement élu, dans un pays démocratique, qui doit faire face au dérèglement climatique, en même temps qu’il est sur le point d’entrer en économie de guerre. Réfléchissent-ils au rôle qu’ils jouent face à l’Histoire? Michel (Missak) Manouchian aurait eu honte d’eux! Il n’aurait pas aimé!

mardi 20 février 2024

Missak Manouchian entre au Panthéon

À propos du transfert des cendres de Missak Manouchian au Panthéon, deux remarques.

La première. Le grand-père maternel de mes enfants était un militant communiste. Il s’appelait Louis Fiori. Il avait participé à la Résistance dans les rangs des FTP, et il avait accompli dans ce cadre des actes de bravoure qui lui valurent la Croix de guerre. Un jour, je l’ai interrogé. Je lui ai dit: “Louis, parmi les Résistants, ceux qui étaient les plus résolus, les plus violents, les plus dangereux face à l’ennemi, c’étaient bien vous, ceux des Francs Tireurs?“ À quoi, il m’a répondu: “Non, mon petit. Les plus résolus, les plus violents, les plus dangereux, c’étaient ceux du réseau Combat, parmi lesquels beaucoup de catholiques de droite, et même d’extrême droite maurrassienne.” Pour ceux qui douteraient aujourd’hui de ce témoignage, je les renvoie à la biographie de Jean Moulin et à certain hobereau, personnage de L’Armée des ombres, le film de Jean-Pierre Melville.

La seconde. Manouchian était bel et bien communiste. Sa mémoire n’a jamais été perdue, mais durant des décennies, la flamme n’en a été entretenue que par les communistes eux-mêmes, et cela grâce à un texte, un poème d’Aragon, L’Affiche rouge, mis en chanson par Léo Ferré. Dans ce texte et lui seul, on pouvait entendre, apprendre et répéter qu’

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leurs cœurs avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant

Concernant l’une et l’autre remarques, je voudrais qu’on s’en souvienne.


samedi 17 février 2024

Mort d'Alexeï Navalny

Quand on vit sous une dictature, on a le devoir de s’opposer à ceux qui nous gouvernent. Quand on vit dans une démocratie, on a le devoir de les soutenir. Ce sont deux formes de résistance.

mercredi 14 février 2024

Confidences

J’ai la grippe. Ma mère reste assise tout l’après-midi à mon chevet, à tricoter en lisant son magazine favori, Confidences, dont elle détache les doubles pages qui reproduisent des tableaux de peintres célèbres, je me souviens de Sisley et Van Gogh, dont ensuite elle fait des sous-verres. La fièvre me brûle les joues. Par moments, je m’endors. Quand je ne dors pas, je lis Le Grand Meaulnes.

> Ajouté à Anamnèses 

samedi 10 février 2024

J’écris, je ne parle pas

Mes ajouts textuels à Nice-Nord se feront plus rares. J’ai le sentiment de n’être pas loin d’avoir tout dit. Mais je peux ajouter au dispositif (à la cabane, à la baraque foraine) des documents audiovisuels en forme de journal.

Je songe à organiser des sortes de lectures ou d’installations qui soient comme des visites guidées de Nice-Nord.

Lecture d’un petit cahier d’Entretiens avec Jonas Mekas (par Jérôme Sans, Morgan Boëdec et Léa Gauthier. Les Cahiers de Paris expérimental, n° 24, 2006). Pas une ligne qui ne soit juste et précieuse. 

Le fait d’avoir quitté l’Algérie avec toute ma famille a atténué le sentiment de l’exil. Mais les raisons et les occasions d’y retourner disparaissaient du même coup. Que serions-nous allés chercher là-bas, d’où nous avions été chassés par les habitants eux-mêmes? Les Juifs qui avaient dû fuir l’Europe de l’Est se vivaient bien évidemment comme des victimes. Nous autres étions désignés au contraire comme des coupables, aussi bien par les Algériens que par les Français, ces derniers trouvant à nous reprocher d’avoir été des colons, de nous être enrichis aux dépens d’un peuple autochtone et pauvre, et d’avoir été responsables en cela d’une guerre injuste, sanguinaire et finalement perdue, dans laquelle beaucoup de leurs enfants avaient été amenés à se battre, à participer à des atrocités dont ils ne voyaient pas le motif, à souffrir et mourir trop souvent, des enfants qui étaient quant à eux de vrais Français, aux noms français, tandis que beaucoup d'entre nous, comme ma famille elle-même, ne l’étaient pas. Ainsi, la cause était entendue. Il n’y avait plus aucun témoignage à produire. Aucune explication, aucune rectification concernant les faits n’était recevable. Il fallait renoncer, s’occuper ailleurs, parler d’autre chose. Pour nous, pour moi au moins, le pouvoir de la parole elle-même s’en est trouvé compromis. J’ai raconté des histoires, et je continue de raconter des histoires inventées sur fonds de cette impossibilité-là. J’écris, je ne parle pas.



vendredi 9 février 2024

Le Chat botté

Mercredi 17/01/2024 — Dans la nuit, vu Jonas Mekas, 'WALDEN' aka 'Diaries, Notes and Sketches' (1969) Excerpt. Au matin, il pleut.




J'entreprends la réécriture d'une nouvelle intitulée Les amants de Nice-Nord. La version sur laquelle je m'apprête à travailler compte 5,281 mots. Elle n'est pas datée, mais sauf erreur de ma part, j'ai dû l'écrire peu après mon installation rue des Boers, soit au premier semestre 2021. 

Ukraine est centrée sur (1) le cauchemar de dévoration et (2) la mort du père. Or, (1) n'entraine pas (2), ni ne l'annonce. Il est d'ailleurs à noter que le narrateur ne parle pas de prémonition.

Jeu 18 - Je sors de chez moi dans la nuit encore pour aller chercher chez elle ma petite-fille Alma et l'emmener à l'école. Les trottoirs sont détrempés, noirs et luisants, pendant que le ciel se découvre lentement d'un bleu très clair, un bleu tendre, de layette ou de pétale. Un moment de magie qui s'achève quand il fait tout à fait jour. 




Antonio Tabucchi intitule Rébus (dans Petites équivoques sans importance, 1985) une nouvelle dans laquelle le narrateur est chauffeur et doit conduire une femme de Paris à Biarritz. Au départ, elle lui demande de prendre la Nationale 6, ce qui le surprend car ce n'est pas la route de Biarritz. Ils roulent. Le narrateur indique: "Limoges n'était pas loin, nous traversions la campagne et des paysans travaillaient dans les vergers. Limoges, pensais-je alors, qu'est-ce que Limoges a à voir avec ma vie?" Un peu plus loin, il ajoute: "C'est une curieuse sensation d'arriver dans une ville inconnue et de savoir que là tu aimeras d'un amour que tu n'as jamais encore éprouvé."

À Limoges, dans un hôtel près d'une rivière, ils feront l'amour pour la première fois. La question que se pose le narrateur — "Qu'est-ce que Limoges a à voir avec ma vie?" — m'est souvent revenue à l'esprit.

Ils font l'amour à Limoges pour la première fois. Cela aurait pu arriver n'importe où ailleurs, mais cela s'est passé à Limoges et nulle part ailleurs. Et le narrateur s'en souviendra.

Limoges est pour lui le signifiant qui symbolise à jamais avec l'épisode amoureux. L'un et l'autre resteront à jamais associés dans son esprit. Ils forment ensemble un signe linguistique conforme à ce qu’en dit Ferdinand de Saussure revu (corrigé) par Émile Benveniste, à savoir que signifiant et signifié entretiennent un rapport à la fois totalement arbitraire (ou fortuit) et désormais totalement nécessaire.  

Elle voit les autres derrière la vitre, qui parlent fort et qui rient dans la salle de restaurant. Elle est sortie pour répondre au téléphone. Il fait nuit. La conversation se prolonge. Elle fume. Elle a froid.

Vendredi 19 - Vu dans la nuit un numéro de Tracks consacré aux Pokémon.

Elle avait une jolie chambre chez ses parents, ceux-ci étaient aux petits soins pour elle, mais elle aurait trouvé normal que je quitte mes parents et que je quitte le lycée pour aller travailler dans une station-service. J’aurais dormi je ne sais où, pourvu que j’aie pris une douche et changé de chemise avant de revenir à moto, le soir, pour l’appeler sous sa fenêtre. Nous aurions alors roulé sur les routes de la forêt, elle en jupe courte, plaquée contre moi.

La première fois qu’ils sont allés faire des courses ensemble dans un supermarché.

La première fois qu’il l’a accompagnée devant une cabine d’essayage.

La première fois qu’elle lui a donné à porter son sac à main, le temps qu’elle retire le pull qu’elle portait sous sa veste.

Libé dit que Macron n'en a plus rien à foutre de la gauche. C'est vrai que, quand tu es à gauche, tu n'es jamais assez à gauche. Ça décourage!

Samedi 20 - Longue promenade au soleil, en écoutant la conférence de Jacques-Alain Miller: "Ça parle!" Introduction au Séminaire des Formations de l'inconscient, recommandé par Baptiste.

Le duo que forment le Chat botté et le prétendu marquis de Carabas, dans le conte de Perrault, illustre bien la dialectique du maître et de l'esclave telle que JAM la commente à la fin de sa conférence. Le Chat reconnaît son maître pour ce qu'il est: à la fois son maître (un humain, pas un animal le moins utile, comme l'est le Chat) et un jeune homme mal partagé par le sort (par l'héritage) et il se met tout à son service. Mais, pour le sauver de l'état de déréliction dans lequel il le trouve, il accomplit des exploits dont l'autre serait bien incapable. Il l'emporte sur lui, non pas en le combattant (façon lutte des classes), non pas en lui contestant son statut, mais en montrant à son service une habilité et un panache que l'autre n'a pas, et qui, en comparaison, le ridiculisent un peu (sans que le conte marque en rien ce ridicule, comme si celui-ci échappait à sa vue). 

Dimanche 21 — Le Trio que j'ai publié ce matin est en écho direct du cours de JAM que j'ai écouté hier. Je me suis réveillé dans la nuit, et tous les signifiants étaient là, le principal étant le Chat botté.

Paul Claudel: “Toute l’œuvre positive du XIXe siècle a été pour les artistes comme si elle n’était pas. Examinez combien peu ont été intéressés par le présent, sympathiques à ce qui changeait et se transformait sous leurs yeux, à ce qu’apportait avec lui de nouveau par exemple le chemin de fer. Cela, il n’y a eu que les économistes et les socialistes pour essayer de le dire tant bien que mal dans leur patois, et personne n’a compris, (sauf Whitman) ces frères sur toute la planète qu’on mettait à notre disposition. L’œuvre de Balzac n’est qu’une espèce d’énorme Goetterdaemmerung, la Grandeur et la Décadence du Passé, toutes les manières dont une société s’y prend pour finir et le futur n’est représenté que par son appariteur en deuil, l’homme de loi. L’œuvre de Flaubert est partagée entre la fascination du passé et une vision haineuse du présent, aussi basse qu’elle est sotte. Toute l’occupation des réalistes, transposant dans la littérature la méchanceté des commères de village, est une minutieuse calomnie de leur époque. Un Loti se lamente comme un petit enfant devant les choses mortes qu’il ne peut empêcher de s’écrouler” (Richard Wagner, rêverie d’un poète français. Dans La Revue de Paris, 1934, p. 272. [Wikisource]). 

François de Sales: “Le bienheureux Elzear, comte d'Arian en Provence, ayant esté longuement absent de sa devote et chaste Delfine, elle luy envoya un homme expres pour sçavoir de sa santé, et il luy fit response : Je me porte fort bien, ma chere femme ; que si vous me voules voir, cherches-moy en la playe du costé de nostre doux Jesus, car c'est la ou j'habite et ou vous me treuveres ; ailleurs, vous me chercheres pour neant. C'estoit un chevalier chrestien, celuy la !” (Introduction à la vie dévote. Deuxième partie, chapitre 12. De la retraite spirituelle).

Nuit du mardi 30 au mercredi 31 — Vu sur Arte, dans la série Repensons nos espaces, Vivre tout en haut: Le rooftop.

Le projet Nice-Nord déréalise son auteur. À savoir que je suis plus densément présent dans l’œuvre numérique que je ne le suis dans mon propre corps, et pour bien plus longtemps, en même temps que cette œuvre possède une puissance de déplacement (une capacité à courir les routes, plus vite et plus loin, comme le faisait le Petit Poucet avec les bottes de sept lieues) infiniment supérieure à la mienne. Ainsi, je m’accomplis en elle, je m’y exprime en même temps que je m’efface.



Histoire de Lewis

Voici mon rêve. Le petit garçon doit être un peu malade. Il se plaint de ne pas trouver le sommeil, et il vient se coucher dans la chambre de ses parents, où il dort mal, où il s’agite et les empêche ainsi de dormir. Au matin, son père lui dit:
— La prochaine fois que tu ne pourras pas dormir, je veux que tu restes dans ta chambre. Est-ce bien compris?
Le petit garçon acquiesce et il dit:
— Entendu. Mais je vais te faire la réponse de Lewis.
— Qui est Lewis? dit le père.
— David Lewis est un philosophe américain. Il est connu pour sa théorie sur la pluralité des mondes. À l’école, on nous a raconté son histoire. La voici. C’est la guerre. Lewis reçoit chez lui un ordre de mobilisation. Cet ordre précise que sur son chemin vers le front, il doit requérir un autre homme et l’emmener avec lui. Lewis exécute l’ordre. Il va chercher l'homme, l'emmène avec lui et, arrivé au front, il dit: “J’ai fait ce qui m’a été demandé. J’imagine que maintenant, je dois ramener cet homme chez lui?”
— C’est très malin! répond le père. Et le père et le fils rient ensemble de l’histoire.
Je me réveille à la fois étonné et content de ce rêve. J’allume ma tablette et vais lire aussitôt la page Wikipedia consacrée à Lewis. Je ne suis pas certain qu'il y ait un rapport entre les théories de Lewis, pour ce que j’en comprends, et l’histoire racontée par le petit garçon, mais je ne suis pas certain non plus qu’il n’y en ait pas. Je me souviens alors que, dans la soirée, en revenant de ma promenade, j’avais relu et publié le chapitre 3 de ma nouvelle intitulée Le lavoir, qui raconte 3 rêves inventés. Je me souviens aussi que, juste avant de me coucher, en fumant ma pipe sur mon balcon, j’ai modifié la page de présentation du projet Nice Nord, en y ajoutant la phrase selon laquelle Nice Nord “contient un monde imaginaire que l'auteur s'est forgé au fil des ans”. Je me souviens surtout que mon père aurait tout fait pour éviter d’aller à la guerre, et moi aussi.


Que faire du discours de l’Autre?

(Repris d’un SMS à l’adresse de MRG)  La formule “L'inconscient, c’est le discours de l'Autre” a ceci de mystérieux qu’on ne sait pa...