jeudi 14 mars 2024

Impressio (4)

1. Quand je veux livrer à mes amis une petite liste des nouvelles et des romans qui m’ont le plus impressionné, je remarque que ce sont des œuvres que j’ai lues à des moments éloignés de ma vie et que souvent je n’ai pas relues depuis longtemps. Disons:
  • Le Grand Meaulnes, d’Alain Fournier
  • Le Pavillon dans les dunes, de Robert Louis Stevenson
  • Le Grand sommeil, de Raymond Chandler
  • L’enfant et la rivière, d’Henri Bosco
  • Le ciel des faubourgs, d'André Dhotel
  • La traversée de l'été, de Truman Capote
  • Des Hemingway, des Simenon, des Modiano… 
Et je remarque aussi que je serais bien incapable alors d’en raconter l’histoire (de la reconstituer, de la résumer) de manière un peu précise. L'histoire a été importante dans le présent de la lecture, elle m’a fait tourner les pages, mais dans l'après-coup elle s’est effacée, elle s’est défaite, pour ne laisser surnager dans la mémoire qu’un certain nombre de thèmes qui y contrastent comme les bandes ou les carreaux de couleurs dans une installation de Daniel Buren. Et de ces thèmes (ou ces couleurs), je serais capable d’en dresser la liste sans trop d’erreurs.

2. Le chapitre 7 du Lavoir, que je viens de publier est ainsi construit sur 4 thèmes:
  • La Marine nationale
  • La Havane
  • La tempête
  • La prestidigitation
On voit que les personnages n’ont pas de place dans cette liste. Ils font partie de l’histoire dont la fonction est de faire tenir ensemble les quatre thèmes. Le thème de la tempête (de l’eau) et celui de la prestidigitation se retrouvent dans les autres chapitres de la même nouvelle ainsi que dans plusieurs autres textes de Nice Nord. Les deux autres ne s’y retrouvent pas.

3. Aucun de ces thèmes n’est original, ce qui l’est peut-être, c’est leur confrontation. L’impression que je cherche à produire sur le lecteur est celle qui résulte de cette confrontation. Les thèmes comme les couleurs ont des noms (ceux que j’indique), l’impression qui résulte de leur confrontation n’a pas de nom (pas de titre). Elle n’est pas symbolisable. Elle se refuse à la symbolisation. Elle est de l’ordre de l’imaginaire selon Jacques Lacan (tel que je le comprends). Le lecteur peut dire “Oui, je vois”, ou “Non, je ne vois pas”, mais guère plus.

4. Qu’il “voie” signifierait que la confrontation des thèmes produit bien, chez lui, une et une seule impression, distincte, différente de toutes celles qu’il a éprouvées jusqu’alors et dont il pourra se souvenir. Dans ce cas, chacun des quatre thèmes qu’il pourra rencontrer ailleurs aura le pouvoir de lui rappeler la combinaison des quatre qu’il aura rencontrés ici.

5. Ce que j’essaie d’articuler relève d'une poétique. Je suis sensible à une poétique des fictions romanesques et j'essaie de la définir.

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